Moi et Lisanne Gaboury, vainqueurs du premier Marathon Intérieur Kronobar de Montréal. Photo: Steve Moisan |
J'ai réussi le premier défi du dodécathlon en terminant le marathon intérieur Kronobar de Montréal. Je l'ai même gagné, détenant pour l'instant le record de parcours et l'insigne honneur du plus rapide participant de la première édition. Il y a pire façon de commencer, n'est-ce pas ? Mais ma satisfaction est réduite en raison de mon chrono très lent, selon des standards personnels évidemment. Je rappelle que le seuil minimal que je m'étais fixé, pour satisfaire à l'objectif du premier défi, était de 3h20. J'ai finalement fait 3h19min20sec...il en aura donc fallu de peu pour que j'échoue. Ouf !
Il y a tout de même du positif, même plusieurs éléments encourageants à retenir de la première étape. Tout d'abord, ma stratégie "hydratation-glucides" a fonctionné, comme quoi j'en suis venu, avec les années, à régler cet aspect délicat pour ce petit estomac personnel qui l'est tout autant ! Ma recette sera, jusqu'à nouvel ordre, trois ou quatre onces d'eau aux 4km (aux 15-18 minutes) pour un gel aux 8 km (aux 30-36 minutes), pour un total de 12 à 16 onces d'eau par heure pour 60 grammes de glucides, et ce, en évitant la caféine (dans les gels) sauf à la fin de chacune des deux premières heures. Malgré cela, j'ai encore fini en hypoglycémie et vascillant de faiblesse dans les heures suivant la course, mais cela me parut moins pire qu'à l'accoutumé. Pour l'instant, je vais accepter de traverser les marathons ainsi.
Aussi, il est très positif que ma bandelette illio-tibiale gauche ait tenu le coup, de même que ma cheville droite ou mon bassin (dos). Au fond, il est appréciable que le corps en entier n'ait de nulle part crié suffisamment pour m'arrêter. L'une ou l'autre des trois précédentes zones de faiblesses actuelles -pour ne pas qualifier les douleurs de blessures- ont accepté l'effort du marathon sans même se faire entendre. Le lendemain, j'ai pu jogger 8 km (...en 55 minutes !) sans qu'elles ne reviennent me hanter. C'est donc dire que ces tracas physiques d'entraînement, ou les autres qui ne manqueront pas de les remplacer ou de s'ajouter, ne seront pas, pour l'instant, des limitations à la poursuite du dodécathlon.
Il y a aussi de positif que l'organisation ait fourni une compétition de premier plan, sans quoi le premier défi n'aurait pu être ce qu'il a été. Je n'aurais pas réussi à organiser, pour une soixantaine de coureurs de niveau variable, un pareil événement. Disons-le, Steve Moisan, le grand manitou de la compétition, a fait un sapristi de bon boulot ! Je garde pour moi quelques commentaires quant à des améliorations possibles, mais, de façon globale, je puis reconnaître la qualité de l'événement qui a été offert aux participants. Je lève même mon chapeau à Quidchrono, l'entreprise québécoise de chronomètrage, qui a fait un bon travail. J'ai déjà vu cette compagnie rater partiellement son coup. Par le passé, à plusieurs occasions, des coureurs m'ont rapporté des irritants divers. Le chronométrage a été bon en fin de semaine. Avec deux puces par souliers, plusieurs tapis de captation du signal et des vérifications manuelles en cours de route, personne n'a fait un tour de plus ou de moins, ce qui aurait pu être une catastrophe compte-tenu du nombre de tours (274), mais qui a été un succès.
Initialement, avant d'être mis au courant du marathon intérieur de Montréal, je prévoyais, comme par hasard, en faire un en solo au mois de janvier, quelque part au Québec, sur une piste de 200m, avec un ami dévoué pour compter mes tours. Mon chrono aurait certes été meilleur, mais cela n'aurait d'aucune façon été aussi significatif que de joindre un événement pré-existant, avec d'autres coureurs, dans un cadre partagé, public, structuré et où mon résultat peut en bout de ligne figurer dans un quelconque classement officiel. A choisir, je ne ferai pas les défis en solitaire. On peut d'ailleurs souligner que les coureurs, à ce que j'ai vu de ceux du samedi avec lesquels j'ai couru, n'ont manqué ni de civisme (lors des dépassements) ni de solidarité ni de bonne humeur. L'ambiance, malgré la difficulté, était bonne.
Il reste donc mon chrono de 3h19, un temps non seulement en-deça de mes attentes, mais pourrait-on aussi dire de mes capacités élémentaires. En guise de comparaison, j'ai fais un entraînement de 45 km, en mai dernier, en 3h25, passant au marathon en 3h13. Puis, durant le temps des fêtes de cette année, même semi-malade, à jeûn, et sur un parcours contenant 4000m de côtes, j'ai fait une longue sortie de 42 km en 3h45 sans forcer. Il n'y a aucune raison de penser que je ne puis aisément maintenir 4:30/km durant 3h00. Je maintenais facilement une telle vitesse, durant 26 km, en entraînement, en tournant sur la piste de 166m de l'UQTR trois semaines avant la course... Et j'ai quand même un record au marathon sous 2h50 et j'ai fait mes trois derniers demis sous 1h19. Alors pourquoi 3h19 au marathon samedi dernier ? Pour plusieurs raisons...
Ryan Hall, le coureur américain dont je fais présentement la lecture, ne manquerait pas de me dire que c'est Dieu qui rappelle de ne pas attendre de Lui ce qu'il veut pour moi et d'avec confiance me remettre à sa volonté ! J'ai cependant besoin de comprendre ma course de façon plus plus rationelle. Premièrement, et avant tout, j'ai eu des crampes aux mollets à partir du 25e kilomètre et de plus en plus fréquemment dans les 10 derniers, me forçant d'ailleurs à arrêter une dizaine de secondes sous le spasme de contractures violentes vers le 40e kilomètre. Pourquoi ? Depuis que l'idée, encore répendue, disant que les crampes proviennent d'une diminution exagérée du taux de sodium sanguin a été battue en brèche, il faut admettre que c'est d'une erreur d'allure d'où originent mes crampes. A posteriori, je conclus que j'ai couru trop vite au début. Je suivais pourtant mon plan de match de 37-39 secondes du tour, ciblant ainsi un chrono final entre 2h48 et 3h00. Or, dès le 5e km, je commençais à prendre une allure stable avoisinant les 4:15/km. Je ralentissais donc déjà. Compte-tenu de la piste (un carré de 154m) et de la température ambiante (au-dessus de 20 degrés), il aurait mieux valu lancer la course à un rythme de 4:15/km, voire même de 4:20/km. J'aurais ainsi retardé le moment où les crampes sont apparues et m'ont drastiquement ralenti. Je suis passé à mi-chemin, au demi-marathon, en 1h33. Je filais alors vers un chrono de 3h06 et je me sentais relativement bien (comprendre que je savais que ça n'allais pas du tout!). J'ai donc perdu 13 minutes de plus entre la mi-parcours et la ligne d'arrivée. Sur ces 13 minutes, j'en accorde 10 au problème de crampes. Je n'ai jamais crampé comme ça, et là je ne veux évidemment pas dire que j'étais mort de rire ! Il va falleoir que j'enquête sur les crampes musculaires et que j'avise en conséquence, car c'est le 3e marathon où j'y goûte.
La piste de l'UQAM Photo: Steve Moisan |
Si les crampes ont surgi, j'émettrai l'hypothèse que c'est en raison de la piste qui forçait le ralentissement avant chacune des courbes ou devant les murs de bétons bordant la piste, pour ensuite ré-accélérer à leur sortie. Ici aussi, pourrait-on dire, il fallait, au sens québécois du terme, cramper en masse ! Ces changements de rythme, même subtils, même à basse vitesse, sont peut-être musculairement énergivores et taxants. Il n'est de toute évidence pas possible d'interpréter les résultats des participants du marathon intérieur Kronobar en spéculant sur ce que l'on ferait sur n'importe quelle autre piste intérieure que celle de l'UQAM. Ce n'est pas un ovale, mais un carré aux coins arrondis. La différence est énorme. Je crois que tous les concurrents ont été touchés par cela. L'idée que je tente de soutenir, ici, est que les résultats, qu'il s'agisse du mien ou de ceux des autres concurrents, ne peuvent faire l'objet de comparaison, même avec d'autres marathons intérieurs, en raison de la nature de la piste. Si je n'avais pas couru le marathon intérieur de Montréal et que j'étais allé, au lendemain de la course, consulter les résultats, j'avoue que j'aurais peut-être pensé les choses suivantes: 1) Les résultats sont lents parce qu'il s'agit d'un événement pour coureurs désireux de donner une valeur à leur pratique sportive ou de hausser leur gloire ou estime en compensant leur faible vitesse par des défis marginaux que peu de coureurs sérieux envisagent. 2) Que les participants n'étaient pas préparés adéquatement pour un marathon en janvier, par surcroît sur une surface différente de celle d'entraînement à cette période hivernale. S'il y a un peu de vrai dans ces deux idées, la vérité est fondamentalement toute autre. Tout d'abord, les deux tiers des coureurs ont, dans un passé récent, fait un marathon sous 4h00 et plusieurs sous 3h30. Ce n'est pas Patrick Makau, mais c'est de 20 à 50 minutes plus rapide que le chrono moyen que l'on retrouve pour la plupart participants de marathons depuis quelques années. Ensuite, les participants n'étaient pas des débutants. Au contraire. La plupart avaient déjà quelques marathons derrière eux et, pour certains, quelques dizaines. Autrement dit, le curriculum de course des participants commande un respect plus que de principe. Or presque tous ont été affectés par le difficile contexte de réalisation du marathon.
En raison de la géométrie de la piste, il fallait faire un jeu d'entrée et de sortie dans le premier et second corridor. On peut prudemment supposer que nous perdions 1m à chaque changement de corridor ou en demeurant à l'extérieur (comme j'ai dû le faire durant les trois quarts de la course). Sur 274 tours, avec quatre virages par tour, cela totalise au moins 1 km de surplus et même un peu plus plus pour presque tous les participants. Pour mieux comprendre mon chrono de 3h19, je retranche donc un 5 minutes en raison du 43km que nous avons assurément couru. C'est ce que certains participants, munis de "footpod" ont d'ailleurs enregistré. Jamais, dans un marathon sur route, un participant ne négocie le parcours de la façon idéale (tangentes, courbes, etc.), mais je suis assez soucieux de ce genre de préoccupations pour affirmer sans crainte que j'ai été pénalisé (comme les autres) davantage que sur la route, et ce, de beaucoup.
Il faut aussi dire qu'il faisait chaud. Pour un marathon, une température dans les 20 degrés celcius est considérée élevée, particulièrement pour des athlètes habitués à s'entraîner à l'extérieur, en hiver, au Québec... Il y avait la chaleur, mais aussi la qualité de l'air (nous étions au deuxième sous-sol) que je n'ai pas senti, mais qui a pu être un facteur pénalisant. Tout bien considéré, et de façon conservatrice, je retranche un autre 3 minutes à mon chrono final pour ces deux raisons.
Enfin, pour bien décortiquer mon chrono de 3h19, il reste à enlever le temps de faire un virage à 180 degrés autour d'un cône toutes les 30 minutes lors des changements de direction; à retrancher le bref arrêt de 10 secondes pour soulager une crampe; et l'autre de la même durée pour tenter de voir combien il me restait de tours à compléter. Cela représente environ 1 minute.
Donc, au total, en additionnant les crampes (10min), la distance excédentaire (5min), l'air et la chaleur (3min) et les arrêts malheureux ou inévitables (1min), j'en arrive à comprendre que j'aurais pu, dans d'autres conditions, obtenir un résultat final de 3h00. Cela ne m'aurait encore pas pleinement satisfait, mais au-moins me serais-je dit que c'était plus rapide que mes vitesses d'entraînement pour de longues sorties. A refaire, mais si et seulement sur une piste de 200m, j'attaquerais la distance à un rythme de 4:05/km sans peur et sans crainte.
Je ne suis pas le seul concurrent à avoir ressenti les effets du surcroît de difficultés ou de contraintes que représente un marathon intérieur sur la piste de l'UQAM. Le jeudi précédent la course, je m'étais amusé à compiler les résultats récents sur la distance de marathon de tous les coureurs inscrits à l'événement. Le lendemain de ce dernier, je comparais ces résultats anticipés avec le chonro réel réalisé. C'est, en moyenne, 21 minutes qu'ont perdu les participants. Je ne suis donc pas très différent des autres. Les plus heureux ont fait 7 minutes de mieux que la prédiction, mais à l'exception de deux coureurs, tous ont fait plus lent que ce qu'on pouvait anticiper d'eux (à partir de mes sources). C'est donc dire que la piste "nous a rentré" dans le corps. Quoiqu'il en soit, je me réconforte en me disant qu'il n'y avait aucune chance, sauf pour un quasi débutant, de faire un record personnel au marathon intérieur Kronobar de Montréal.
L'expérience en fut une, c'est le moins qu'on puisse dire. Préférant me rappeler à Kilian Jornet, l'ultratrailer catalan dont j'ai lu le livre dernièrement, j'ai quelque part trouvé la force d'avancer malgré la douleur physique et ralier le fil d'arrivée, ce qui était l'objectif réel à gagner. Ce ne fut cependant pas aussi intérieur que je ne l'aurais cru en ce sens que je n'ai pas eu à plonger ou à me réfugier aux tréfonds de moi-même pour mettre un pied devant l'autre. J'étais à l'intérieur au sens de "pas dehors" et au sens de "creux dans un bâtiment", mais pas à celui "d'au-dedans du noyau de solitude où l'on se retrouve face à soi". Je me suis senti au milieu d'un groupe tout au long des 3h19. D'autres concurrents ont peut-être vécu la chose différemment, mais mon expérience personnelle en fut une de relative grégarité, au final ni plus ni moins que dans d'autres compétitions. Il faut dire qu'avec le temps, la distance du marathon ne me paraît plus aussi longue qu'auparavant. Comme un coureur qui arpente le même chemin quotidiennement en entraînement, j'en suis venu à avoir sur la distance du marathon des points de repère temporels qui raccourcissent chaque unité de temps et abrègent d'autant l'impression subjective de la durée.
Maintenant, selon la vitesse de ma récupération du premier défi, que je vais tenter d'aider au maximum dans les prochains jours, je vais commencer à envisager le prochain défi...soit un autre marathon -sur tapis roulant- dans trois semaines ! J'avoue que j'ai déjà le goût, même hâte d'y être. Pour l'instant, je n'exclus pas de lancer la prochaine course au même rythme que lors du premier défi (4:00/km). Dans les prochaines semaines, je devrai aussi m'exercer un peu à la marche olympique et aux départs avec des blocs, question de simultanément, à celui de février, préparer mon défi du mois de mars qui, lui, est prévu pour dans 5 semaines ! Oh là là, on ne s'ennuiera pas cette année ! Pas de temps à perdre.
Vous trouverez les résultats complets du Marathon Intérieur de Montréal sur le site: http://www.quidchrono.com/ et des photos officielles des participants et de l'événements sur: http://www.h-photo.ca/event/16124/