Dodécathlon 20.12

Après 20 ans, maintenant 12 mois, pour 12 défis un peu fous...

mercredi 29 février 2012

Je m'apprête à commettre un défi d'initié !

Le degré de difficulté des défis du dodécathlon n'est pas égal.  Je croyais initialement que celui du mois de mars serait peu élevé.  J'avais tort.  Je m'apprête à faire quelque chose de loufoque -ça je le savais depuis le début- mais, plus j'y pense, de très ardu.  Y en aura pas de facile !

Vendredi soir, vers 18h30, je vais m'élancer pour un 600m au championnat provincial civil d'athlétisme.  Environ 30 minutes plus tard, je ferai un 60m sprint.  Ensuite, une heure après, je ferai un 1500m.  Le lendemain soir, je poursuivrai avec, d'entrée de jeu, un 5000m marche pour, trente minutes plus tard, faire un 300m.  Une autre demi-heure plus tard, je ferai un 1000m et, pour finir le défi du mois de mars, un 3000m.  Au total, je ferai sept épreuves en moins de 4 heures, réparties sur deux soirs consécutifs.  C'est, en excluant les échauffements, presque 10 000 mètres de compétition à intensité maximale dans un même championnat.  C'est quand même beaucoup...  La plupart des gens, extérieurs au monde de la course à pied, et par surcroît de l'athlétisme, réagissent fortement au défi de courir entre Montréal et Québec ou à celui de faire 400km en une semaine.  Ceux qui ont une expérience personnelle, significative, de la course à pied, voient plutôt que le plus intimidant est probablement celui de juillet (40x400m par jour durant une semaine).  Je crois cependant que mon défi du mois de mars ne peut, en termes de difficulté, qu'être pleinement compris par ceux qui ont fait de l'athlétisme au nivau provincial dans leur vie.  C'est pourquoi, pouvons-nous dire, que je m'apprête à commettre un défi d'initié !

Ce dont je me rends compte, en tout premier lieu, est qu'il absolument impossible de se préparer mentalement en visualisant chacune des épreuves isolément.  Autrement dit, il ne sert à rien d'essayer trop fort d'appliquer des techniques de visualisation pour arriver au départ de chacune des épreuves avec la bonne attitude.  C'est aussi impossible, je m'en rends compte de jour en jour, d'établir une stratégie pour chaque épreuve.  Il y a trop d'épreuves en trop peu de temps avec trop de variables inconnues (dont, évidemment, mon état de fatigue croissante d'une épreuve à l'autre) pour concevoir le défi dans ces détails.  Du coup, il n'est possible de se préparer que globalement, c'est-à-dire sur l'attitude requise pour l'ensemble du défi et non sur les épreuves prises séparément.  Concrètement, ça se résume à une chose toute simple: penser à l'épreuve immédiatement en avant de soi dans l'horaire, sans songer à la suivante, y aller à fond avec le "guts", sourire quoiqu'il advienne après l'épreuve, l'oublier et seulement alors penser à celle qui suit...  Anticiper l'effort requis pour une seule épreuve est généralement suffisant pour intimider quiconque veut bien performer, alors tenter de prévoir plus d'une épreuve à la fois "fout solidement la chienne".  Mieux vaut y aller une épreuve à la fois, parce que c'est autrement trop épeurant mentalement (ça va faire mal en fin de semaine...)

En plus, pour bien me donner confiance, je souligne que je suis dans les derniers participants dans toutes les épreuves sur les listes de performance (sauf la marche où nous seront deux et dont je suis le seul représentant dans ma catégorie !).  En effet, je suis le dernier au 60m, l'avant dernier au 300m, etc.  Comme je suis inscrit avec des chronos près ou identiques à mes records personnels sur les distances, ce que je n'égalerai évidemment pas avec la fatigue cumulative des épreuves, neuf jours après un marathon (le deuxième en trois semaines), et ce sans entraînement hyper spécifique pour chaque épreuve.  Bref, je vais plus souvent qu'à mon tour finir dernier en fin de semaine.  Mon orgueil m'invite à au moins vouloir faire amende honorable en limitant l'écart entre moi et ceux immédiatement en avant.  Or, dans le contexte de réalisation des épreuves, avouons qu'il n'y a rien là pour me rassurer davantage...

Ma situation de "exact contraire de favori" est tout de même digne d'un commentaire, d'une observation.  Sur plus de 250 courses à pied sur route que j'ai pu faire dans ma vie, de 3 km à l'ultramarathon, j'ai terminé dans le top trois de ma catégorie dans plus de 60% des courses.  Bien sûr, plusieurs médailles et podiums ont été obtenus dans des courses régionales où la crème de l'élite provinciale était absente.  Cela fait tout de même de moi un des bons coureurs de la région Mauricie/Centre-du-Québec, qui contient grosso modo des athlètes d'un même calibre que celui des autres régions du Québec.  Le commun des coureurs, dans les compétitions sur route, me partage souvent sa perception lui faisant dire que je suis un coureur rapide, à tout le moins dans ceux d'une autre catégorie de vitesse que la sienne, même rêvée. Or, en athlétisme, sur piste, dans un championnat provincial, je suis presque regardé comme une curiosité, un phénomène de foire: un vieux (j'ai 33 ans dans un monde abérrant où les meilleurs ont moins de 25 ans -donc moins que leur apogée physiologique...) qui fait ses petites affaires en continuant la course malgré son faible niveau.  Autrement dit, dans un milieu je suis vu comme faisant partie des meilleurs, des extra-terrestres de la vitesse, alors que dans l'autre je suis vu comme la tortue persévérante qui n'a presque pas d'affaire là.  Serait-ce là la traduction du côté récréatif, mais vraiement récréatif, de la course sur route et, de l'autre, du côté élitiste, mais vraiment élitiste des pistards ?  Peut-être.  Ce sont deux mondes.  Ça fait vingt ans que j'évolue dans les deux.  Tout coureur complet ne devrait, selon moi, faire autrement.  C'est simple: les coureurs sur pistes ne devraient pas lever le nez, encore moins être hautains ou suffisants, devant la course sur route.  A l'inverse, les coureurs sur route devraient découvrir la piste qui, elle même, aurait avantage à ouvrir ses portes de façon plus acceuillante.  Les coureurs des deux groupes, j'en suis convaincu, gagneraient à sortir de leur zone de confort ou de pratique pour, de temps à autres, se plonger dans le milieu de l'autre qui a beaucoup à enseigner.

Quoiqu'il en soit de ma force morale qui ne me refuse pas de porter le dossard sur une piste malgré mon relatif bas niveau, il demeure que je ne suis pas pleinement confortable à l'idée d'aller souffrir autant sur la piste en fin de semaine, et ce, pour ménager de cuisantes défaite sur défaite ! 

Devrais-je vraiment m'en préoccuper ?  N'est-ce pas, justement, pour cet énervement, cette fébrilité que j'ai entrepris le dodécathlon ?   Effectivement, au début de l'automne dernier, c'est en partie pour renouer avec le sentiment du coureur débutant inquiet et excité sur la ligne de départ que j'ai conçu le projet des 12 défis de cette année.  Je voulais retrouver ce sentiment de stress, d'incertitude, qui ne me hante désormais plus sur les distances, épreuves et contextes maintenant habituels pour moi.  Je suis donc, comme le fait nécessairement tout débutant, sorti de ma zone de confort.  Et, croyez-moi, ça marche, ça marche...  Mais...

Je me rends compte que je suis, depuis la semaine du premier défi, donc depuis cinq semaines, dans un chronique état d'anxiété à la pensée de mes épreuves.  Quand je ne pense pas à celle qui s'approche de façon imminente, j'ai des papillons dans le ventre à l'idée de celle d'après.  Cet état, j'en suis tout de même satisfait.  C'est un peu ce que je recherchais.  Par contre, ce que je n'avais pas anticipé est que le stress qui me hante en permanence n'est pas pleinement positif.  Je me sens comme un artiste qui doit se lancer, sans préparation, devant un public différent, inconnu, chaque soir.  Ce n'est pas la nervosité confiante de celui ou celle qui s'est préparé pendant plusieurs semaines pour un marathon et qui, s'il se sent fébrile, c'est parce qu'il ou elle craind d'échouer et d'ainsi perdre les récompenses escomptées pour lesquelles il ou elle se sait, au fond, prêt malgré l'incertitude.  Moi, je me sens comme celui qu'on lance sur scène sans avoir eu la chance de se préparer suffisamment.  Sur les planches, je peux me casser la gueule pour vrai.  Il me faut faire confiance aux acquis des 20 dernières années et à mon sens de l'adaptation.

Dans tous les cas, réussir le défi de mars sera aisé: suffit de traverser toutes les épreuves sans se blesser.  Plus ardu, ce sera d'y faire une relative bonne figure. 

Il faut aussi espérer que le défi de mars sera comique, autant pour moi de le faire que pour les participants ou spectateurs du championnat de le voir.  Espérons aussi que la cruche servant à ramasser des dons pour la fondation Terry Fox contre le cancer (défi d'octobre) sortira du défi un peu plus pleine. 

Les résultats du championnat paraîtront sur www.athletisme.qc.ca ou sur le site du Rouge et Or athlétisme, et ce, pouvons-nous espérer, au jour le jour de vendredi à dimanche.

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