Eh bien, on dirait que je suis parti pour réussir in extremis mes objectifs ou même, plus précisément, pour rater ceux-ci de si peu que je puisse me permettre de dire "ok, c'est bon, je l'ai eu pareil". C'était mon verdict après le marathon sur tapis roulant il y a 12 jours (en 3:01 au lieu de sous 3h00). C'est à nouveau ma position après le défi du mois de mars...
Je suis passé à travers toutes les épreuves individuelles de piste, en excluant les haies de 42 pouces que je savais d'avance hors de ma portée, lors du dernier championnat provincial d'athlétisme en salle tenu à Québec sur la piste intérieure de l'Université Laval.
Le vendredi soir, 2 mars, à 18h30, dossard bien fixé à la camisole, 7mm bien vissés aux spikes, je m'élançais sur un 600m que je réussissais en 1:40.71. Même si j'ai terminé dernier des 10 participants, cela demeure pour moi un record personnel (c'était mon deuxième essai en carrière sur la distance). En planifiant le dodécathlon à l'automne 2011, je m'étais fixé des objectifs de temps pour chaque épreuve du championnat, et ce, en spéculant sur l'accumulation de fatigue induite par la succéssion des épreuves en cours de compétition. Je n'avais peut-être pas suffisamment anticipé l'effet de fatigue des deux marathons dans les cinq semaines précédentes et, surtout, celui complété sur tapis roulant moins de quinze jours auparavant. Ainsi, je n'ai pas terminé sous 1:40 au 600m comme je l'avais préalablement suggéré. J'ai fait soixante et onze centième de plus. Ok: je l'ai eu pareil !
Ensuite, j'ai fait un 60m en 9.06. J'avais fixé le seuil de réussite à 9.50. Celui-là, je l'ai eu, facilement. Il faut dire que, objectivement, 9.06 au 60m, chez les seniors (20-39 ans), ce n'est pas impressionnant du tout. Bruny Surin, recordman du Québec sur la distance, prenait 30% moins de temps que moi pour le faire. Pourtant, curieusement, je n'ai même pas fini dernier de cette épreuve !
Puis, j'ai terminé mon vendredi avec un 1500m en 4:48.91. J'avais fixé l'objectif à un chrono sous 4:50. C'est donc sur une bonne note que j'ai terminé la première soirée où j'ai, en somme, fait trois épreuves dans un intervalle de temps inférieur à 2h00 (de 18h30 à 20h15).
À ce stade du défi, je remarquai qu'il n'était pas ce à quoi je m'attendais. Je pensais que l'obstacle serait en majeure partie physique; que la perte d'énergie serait le facteur limitant. J'avais tort. Dès la fin du 600m, je comprenais que la difficulté davantage mentale. Je me surpris moi-même à tomber dans un creux d'aggressivité sportive, de fougue psychologique, de fébrilité après le 600m. Après la première épreuve du premier jour, déjà, la pression était tombée, l'adrénaline dissipée, les papillons de nervosité chassés et, du coup, l'attitude propice à performer évanouie. Cela explique, en bonne partie, mon chrono sur 60m qui témoigne de mon relâchement psychologique. Je fais probablement mieux que cela en entraînement. Pour le 1500m, je pus trouver des restes de force mentale et, en tablant sur mon expérience de cette distance, doser l'effort pour extraire de mes capacités physiques ce qu'il en restait. Je terminai en 4:48.91, soit une dizaine de secondes au-dessus de mes performances habituelles sur 1500m. Dans les circonstances, je trouve cela satisfaisant.
Le samedi soir, au contraire de ce à quoi je m'attendais suite à la première soirée, mais en accord avec mon anticipation d'avant le championnat, le défi fut davantage physique que mental. J'ai commencé la soirée avec le 5000m marche. Je visais sous 30:00 et je craignais une disqualification pour fautes techniques. Mes quatres entraînements de marche dans le mois précédent ne m'assuraient pas de pouvoir marcher sous la barre des 10 km/h. J'ai finalement fait 29:11 (donc une moyenne de 10,2 km/h). J'en suis content, plus que de tout autre résultat de ma fin de semaine. Dans les dernières semaines, en me préparant, cette discipline malaimée et souvent ridiculisée a gagné auprès de moi des lettres de noblesse. C'est moins facile que cela en a l'air et ceux qui pratiquent la marche olympique sont des athlètes de bien plus fort niveau que ce que l'on pense.
Ensuite, j'ai fait le 300m, moins de 30 minutes plus tard. Je visais sous 47 secondes. J'ai fait 47:10. Ok: je l'ai eu pareil ! Sans la fatigue musculaire résultant du 5000m marche, j'aurais sans aucun doute fait beaucoup mieux. Mais je me satisfaits de ce chrono. Par contre, c'est à l'épreuve suivante, au 1000m, que le troisième défi du dodécathlon a trouvé sa profonde difficulté.
J'ai "cassé" au 1000m. En faisant 3:18.70, je terminais près de 14 secondes au-dessus de mon objectif de 3:05. Or, je n'aurais pas pu faire beaucoup mieux. Les batteries énergétiques étaient vides, complètement vides. Si le concept du troisième défi du dodécathlon avait été de faire les sept épreuves en m'économisant légèrement dans chacune, il est évident que j'aurais pris le départ du 1000m avec un reste de vigueur. Or là, j'étais crevé. En guise d'analogie, il suffit de penser à une lampe de poche. Au début, quand ses batteries sont neuves, elle éclaire à sa capacité maximale. Vers la fin, quand les batteries ont perdu de leur puissance, la lampe ne fourni qu'un faible rayon de lumière. J'étais dans la même situation rendu au 1000m: il ne me restait plus de "jus" dans mes batteries pour être étincelant sur la piste, même un peu, même dans mes propres standards personnels
Au 3000m, dernière épreuve, 40 minutes après le 1000m, j'étais aussi à plat. Au moins, là, je le savais. Comme au 1500 la veille, je conclus avant le départ qu'il me fallait recourir à mon expérience. Cela signifiait, en bonne partie, de gérer mes réserves en fonction de la distance au lieu de tout dépenser dans un premier kilomètre "fulgurant" qui m'aurait sans nul doute fait pathétiquement pâlir progressivement jusqu'à la fin. Concrètement, cela voulait dire d'accepter de décaller des autres participants dès le début de la course pour respecter une allure correspondant à mes capacités estimées du moment, soit 3:40/km (ce qui est normalement près de ma vitesse au demi-marathon). Comme la veille lors de la dernière épreuve, ce fut la bonne décision puisque je rencontrai -presque- mon objectif de temps (11:01 au lieu de sous 11:00) et dépassai encore un participant, parti trop vite, dans les derniers mètres.
Ainsi, au final de ces 12 000 mètres de compétition répartis sur deux soirs (une durée d'environ 3h30), j'ai fait sept épreuves, dont trois sous mon objectif, trois autres dans la seconde ou les dizièmes de centièmes au-dessus de l'objectif proposé et une épreuve (le 1000m) en-déça de l'ambition. Je conclus, avec complaisance envers moi-même, que c'est un taux de réussite de 6 sur 7 et que cela me suffit pour juger le troisième défi réussi. Par ailleurs, je signale que j'ai terminé trois fois dernier parmi l'ensemble des participants du championnat provincial, mais aussi premier de la marche où il n'y avait aucune adversité dans ma catégorie... De ces positions, on peut conclure plein de choses sur les univers de la course à pied (voir à ce sujet, sur ce blog, le message du 29 février)
Je reviens de l'expérience avec, par ailleurs, quelques observations ou apprentissages auxquels je ne m'attendais pas. Premièrement, je conclus qu'il est effectivement, comme la plupart des coachs le pensent, difficile, voire impossible, de pleinement performer dans plus d'une épreuve de demi-fond par jour. Si on fait les épreuves sans rien économiser de l'énergie physique ou mentale, il faut une interruption d'au moins une demi-journée entre les épreuves si on espère y performer optimalement. Par contre, je conclus aussi qu'il n'est pas vrai qu'une performance effectuée la veille hypothèque nécessairement de beaucoup celle du lendemain. Il est très raisonnable d'envisager de performer à la même intensité sur deux épreuves en deux jours. Au-delà de ça, c'est moins certain cependant. Selon moi, maintenant.
Deuxièmement, je constate plus qu'auparavant la nette différence entre les épreuves de longues distances et les plus courtes. D'une part, je sens mieux le contraste entre un marathon et une épreuve de demi-fond. D'autre part, j'ai maintenant une vue plus incisive sur la différence de nature entre les épreuves de sprint et "d'endurance" en athlétisme. J'ose, au risque de me faire détester ou contredire par les préjugés de certains, affirmer ceci: une épreuve de sprint (ex: 60m et 300m) est difficile en raison de tous les détails qu'il faut minutieusement harmoniser en un bref moment éclair. Par contre, au chapitre de la détresse mentale et de la combativité devant la douleur, ce n'est vraiment rien. En demi-fond, la difficulté me semble de plus en plus au niveau de la juste intensité qu'il faut mentalement démontrer à chaque instant de la course. Il faut être "sharp" mentalement et physiquement. J'ose clamer que la difficulté physique générale y est plus ardue que dans un marathon, car l'ensemble de l'organisme est mis à contribution dans ses limites maximales. Le coeur est à son max, un nombre élevé de fibres musculaires est hautement sollicité, les paramètres métaboliques ou neuro-musculaires sont à fond et le niveau de concentration ou de "guts" doit être à son paroxysme presque durant toute la durée de la course. Par contre, dans un marathon (j'en ai quand même fait deux dans les 5 dernières semaines, alors la comparaison entre les deux "mondes" m'est plus facile aujourd'hui qu'auparavant), il faut davantage lutter contre la perte de ses capacités. En demi-fond, il faut sans cesser tirer de son potentiel ce qui reste tandis que, dans un marathon, il faut résister à ce que la durée nous a enlevé. Par exemple, dans un 1500m, après 1100m, il faut vouloir demander à ses muscles de continuer à fonctionner à plein régime. Il faut demander que ceux-ci nous donnent encore quelque chose afin de réussir. Dans un marathon, il faut plutôt, après 35 kilomètres, faire taire les signaux en provenance des muscles pour éviter que ceux-ci nous prennent quelque chose qui nous ferait échouer. Ce sont là, bien sûr, des réflexions inachevées. Elles sont cependant, pour moi, maintenant mieux supportées par l'expérience et pourront ainsi mieux se développer au fil du temps, ce qui ne manquera pas de me servir dans ma tâche de coaching autant que d'athlète. N'est-ce pas, d'ailleurs, un des buts initiaux du dodécathlon: parfaire ma quête d'expériences là où elle était incomplète ?
Troisièmement, je constate de plus en plus que, davantage que je m'y attendais, les gens sont amusés par le concept du dodécathlon. Devant un défi, même pris isolément et sans être au courant des onze autres, les gens, sauf exception bien sûr, semblent trouver le projet trippant. C'est drôlement fou à leurs yeux, mais suffisamment divertissant et "débile" pour susciter des réactions favorables et un enthousiasme qui, je l'avoue, est sur moi aussi contagieux. Bien sûr, ce projet personnel ne ralliera jamais les foules, mais dans sa modeste mesure il égaïe autour de lui. Les gens me renvoient de l'énergie alors que j'en dépense beaucoup dans la préparation et dans la réalisation de chacun des défis. L'intérêt, amusé et curieux, autour du dodécathlon me surprend d'autant plus que personne y gagne quelque chose. Je crois que, derrière cela, se trouve un soupçon de reconnaissance de ce pourquoi on pratique initialement la course, voire le sport en général avant l'établissement de structures, de pression compétitive, de sérieux qui dénature l'enfantin enthousiasme, ou d'encrassement dans une routine connue après maintes années à faire les choses de façon convenue : pour se dépasser, dans un esprit de plaisir ludique comme des ti-culs qui se lancent des défis dans le parc de jeux de l'école.
J'apprécie cette réception positive de la part des gens autour du ou des défis parce qu'il serait quelque peu étouffant de sans cesse lutter, expliquer ou ignorer des commentaires négatifs. Puis, le fait que plusieurs se prennent au jeu aide à tranquillement remplir la cruche à l'intention de la fondation Terry Fox. Je n'ai pas besoin de convaincre les gens de donner généreusement. Tout le monde a un ami, un proche, un parent ou un voisin qui a souffert du cancer. La cause est gagnée d'avance et les gens me supportent spontanément dans mon dodécathlon en se joignant à moi dans la lutte contre ce fléau. Le défi d'octore est bien parti, pour l'instant. Merci.
Pour l'instant, il faut tout de même se plonger dans l'organisation du défi du mois d'avril, soit de courir la distance entre le haut du Mont-Royal à Montréal et le parvis du Château Frontenac à Québec. C'est, je crois, le défi du dodécathlon qui frappe le plus l'esprit des gens dans la population en général, c'est-à-dire chez ceux qui sont étrangers à la course à pied. C'est probablement l'idée de courir autant de kilomètres ou autant de temps qui confère un statut d'énormité à ce défi aux yeux de la plupart. Pourtant, pour moi, qui est rendu à m'y préparer, ce qui le rend énorme est quelque chose de pourtant commun aux yeux de la plupart: manger beaucoup. Beaucoup. Vraiment beaucoup. Réalisez-vous combien de calories il faut ingérer en environ trois jours pour courir entre Montréal et Québec ? Presque 30 000. Pensez-y, c'est, pour un homme de corpulence moyenne, l'équivalent en trois jours de tout ce qu'on mange normalement en deux semaines ! Et ça, il faut le faire en courant ! Plus de détails seront donnés sur le prochain défi dans une dizaine de jours.
Encore merci de suivre l'aventure avec moi.
P.S.: Merci à ma blonde, Marianne, et à Samantha Chenard-Rousseau d'avoir pris les images, ainsi qu'à Diane Pomerleau d'avoir gentillement épaulé en donnant des splits et des encouragements toute la fin de semaine.
P.S.: Merci à ma blonde, Marianne, et à Samantha Chenard-Rousseau d'avoir pris les images, ainsi qu'à Diane Pomerleau d'avoir gentillement épaulé en donnant des splits et des encouragements toute la fin de semaine.
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