Le défi du mois de juillet est terminé. C'est jusqu'à présent le seul pour lequel je puis déclarer victoire sans apporter de nuance.
En effet, le marathon intérieur a été réussi en janvier, mais avec un chrono semi-satisfaisant. De même, j'ai fait un marathon sur tapis roulant en février, mais en concluant l'épreuve avec une minute de plus que l'objectif. En mars, je réussissais à faire les sept épreuves de piste au championnat provincial civil d'athlétisme, mais les deux dernières en y arrivant de peine et de misère. En avril, je n'ai pu faire autrement que de remettre à plus tard l'expédition entre Montréal et Québec. En mai, bien que la naissance de mon fils soit un prétexte suffisant, je n'ai pas été en mesure de courir 5 km en cani-course. Enfin, en juin, même si j'ai couru toute une nuit en réalisant 12 km de plus que l'objectif premier, il m'a fallu dévier du trajet initialement envisagé. Bref, jusqu'ici, je suis contraint de reconnaître quelque chose : la réussite, même en étant méticuleux, perfectionniste, zêlé, "tought", discipliné et résolu, ne s'apprécie souvent qu'au prix de certains compromis. Cela ne signifie pas qu'il faille tricher avec la notion de réussite pour la transformer a posteriori en succès à grands coups d'interprétations consolantes, mais bien que celle-ci soit intrinsèquement différente en pratique de l'a priori idéal qu'on tentait théoriquement d'atteindre avant d'être confronté avec les adaptations du monde réel. Pourtant, dans le cadre de mon défi du mois de juillet, je puis dire que j'ai en tous points réussi (même de beaucoup dépassé) ce que, initialement, j'avais établi comme le succès, et ce, sans dévier le moindrement du monde de mon idée préconçue de ce qu'était la réussite.
Avant de donner le compte-rendu du défi du mois de juillet, je prends quelques phrases pour en rappeler les grandes lignes. Il s'agissait de faire, durant une semaine, soit durant sept jours, ce que le coureur tchèque des années 50 Emil Zatopek réalisait quotiennement durant sa brillante carrière d'athlète. Ce dernier commençait chacune de ses séances d'entraînement journalière par une alternance de cinq fois 200m rapide et 200 lent. C'était là son échauffement. Ensuite, le coeur de l'entraînement consistait à courir des intervalles de 400m entrecoupés de 200m de jog (footing) de récupération. Jusque là, rien de particulièrement étrange pour les coureurs expérimentés. C'est du connu, du familier, de l'assez banal. Sauf que Zatopek, notamment en 1956, répétait 40 fois la distance dans la séance. Autrement dit, il faisait, presque chaque jour de l'année, 40 fois 400m (rapidement) avec 200m de "récup". A la fin, en guise de "retour au calme", il effectuait à nouveau 5x200 (R:200 jog). Au total de chaque séance il en venait à parcourir 28 kilomètres, dont 18 de ceux-ci en intensité (16 km pour les 40x400m). Chaque semaine, cela représentait 196 km, dont 130 en intensité. Ou, si vous préférez...280 x 400m rapide + 70 x 200m rapide + 350 x 200m lent. C'est, comme on dit, "du gros stock". Ce n'est pas le volume qui est ahurissant, car bien des coureurs de haut niveau font plus que ce 196 km hebdomaire. Ce qui impressionne, c'est la quantité jumelée au pourcentage (65%) de kilomètres courus à une haute intensité (85-95% de la VAM). Le défi du mois de juillet était de se frotter, durant une semaine, à ce régime apparemment inhumain d'entraînement.
Ainsi, de façon standard, je me suis réveillé le matin, ai mis mes shorts, suis allé (à jeun, oui !) sur le bord de la route où j'ai maison et j'ai lancé la "séance Zatopek". Avant lundi le 2 juillet, je m'étais préparé en augmentant progressivement, depuis trois mois, le nombre d'intervalles de 400m dans une séance hebdomaire. J'en suis ainsi venu à faire, six semaines avant le défi, 30 fois 400m en 1:21 de moyenne et, trois semaines avant, 36 x 400m en 1:27. Ce furent là mes deux meilleures séances préparatoires en vue de juillet. Celles-ci ont été suffisante pour, à l'aube de lancer le défi de juillet, me donner une relative confiance d'atteindre (pour peu que je me rende au bout de la semaine) l'objectif initial qui était de réussir à maintenir une moyenne, sur l'ensemble de la semaine, inférieure à 1:35 pour les 280 répétitions de 400m.
....puis j'ai réussi à maintenir une moyenne de 1:26.50. C'est là, et de beaucoup, mieux que ce que je m'aurais cru en mesure de faire. En fait, plutôt que de décrire chacune des journées, je me contente ici de présenter un tableau récapitulatif ou statistique:
Semaine Zatopek: W-up 5 x 200 (R:200); 40x400 (R:200); C-down 5 x 200 (R:200) | |||||||||
Jour | Heure de départ | Température | Vitesse moyenne 400m | Vitesse de la moyenne en km/h | Plus rapide | Plus lent | Temps total de la séance | Douleur (s) significatives | |
Lundi 2 juillet | 10h30 | 27 degrés, nuageux avec soleil | 01:26.25 | 3:36/km | 1:21 (40e) | 1:31 (1ier) | 2h25 | 3e métatarse pied droit, hanche droite | |
Mardi 3 juillet | 10h30 | 25 degrés, frais, vent moyen | 01:24.0 | 3:30/km | 1:19.00 (40e) | 1:26.00 (plusieurs) | 2h25 | Hanche droite | |
Mercredi 4 juillet | 10h30 | 23 degrés, frais, nuageux | 01:25.3 | 3:33/km | 1:18.00 (40e) | 1:28.00 (2e) | 2h14 | Bandelette illio-tibiale droite. | |
Jeudi 5 juillet | 10h00 | 25 degrés, humide, vent moyen | 01:23.5 | 3:29/km | 1:15.00 (40e) | 1:27.00 (2e) | 2h24 | Genou droit à la fin | |
Vendredi 6 juillet | 11h30 | 31 degrés, chaud, vent moyen | 01:26.4 | 3:36/km | 1:18.00 (40e) | 1:31.00 (1er) | 2h25 | Bandelette gauche légèrement, 3e métatarse droite légèrement | |
Samedi 7 juillet | 10h00 | 31 degrés, chaud, vent moyen | 01:28.75 | 3:42/km | 1:18.00 (40e) | 1:38.00 (1er) | 2h23 | Bandelettes, genoux (droit surtout), pied droit ampoule | |
15h00 | 24 degrés, vent | 01:31.40 | 3:48/km | 1:10.00 (40e) | 1:40.00 (16e) | 2h13 | Estomac vraiment mal en point (poutine 2h30 avant non recommandé) | ||
Moyennes: | |||||||||
11h08 | 26.5 degrés | 01:26.50 | 3:36/km | 01:17.00 | 01:31.50 | 2h21 | |||
Comme on le voit dans le tableau ci-dessus, j'ai maintenu une vitesse moyenne pour l'ensemble des 400m nettement mieux que celle correspondant à l'objectif de 1:35 (4:00/km). Mieux de presque 9 secondes. Ce que je m'explique mal, pour ne pas dire ce que je ne comprends pas du tout, c'est comment il a fallu six jours avant que la cadence de chaque intervalle soit affectée significativement. Autrement dit, comment se fait-il que je n'aie pas "cassé" avant ça ? Même que ma meilleure journée fut la 4e, alors que j'avais déjà 54 km d'intensité en trois jours dans le corps avant de la commencer. La plus faible température et le soutien d'un partenaire (voir plus loin) ne suffisent pas, à mon sens, à expliquer ce maintien du niveau de performance à ce stade de la semaine. Cette question du maintien d'un relativement bon niveau de performance durant le trois quart de la semaine vient heurter mes connaissances et mon expérience quant au sujet de la récupération et de la fatigue musculaire. Je n'ai pas, pour l'instant, de réponse à cette interrogation. Par contre, le report de la fatigue à la fin de la semaine a eu pour effet de me faire juger le quotidien d'Emil Zatopek moins inhumain que je ne le pensais initialement. Finalement, je trouve que c'est humain. Mais, ok, c'est "tought". Chapeau bas M.Zatopek !
Pour moi, le plus difficile fut deux choses. Premièrement, et ça je m'y attendais, les douleurs articulaires, tendineuses, ligamentaires ou musculaires furent assez fortes durant la semaine. Il n'y a pas une journée, de la première à la dernière, sans que des inconforts (que d'autres appeleraient blessures) ne viennent contrarier la quiétude de l'entraînement. Avec le temps, j'apprends que les douleurs passent beaucoup plus que ce qu'on croit, que ce que notre inquiétude craind, que ce que les thérapeutes ou conseillers suggèrent, pour peu qu'on en prenne soin et qu'on accepte qu'elles ne sont pas nécessairement des signes avant-coureurs de gravissimes problèmes (même quand ça fait très très mal...). Je me demande si Emil Zatopek avait mal partout en courant ? Je parierais que sa motivation avait raison de ses douleurs, car il a maintenu une constance à travers le temps qui, j'en suis persuadé, a dû charrier son fort lot de complications ou irritants physiques. Je ne pense pas que les ampoules arrêtaient Zatopek. Ni que les mots terminant en "ite" ou en "algie" ait meublé l'espace mental chez lui occupé par la détermination. Deuxièmement, ce qui ne fut pas toujours aisé fut justement de garder la tension mentale pour bien réaliser chacun des intervalles. A longue, durant la semaine, la hargne pour aller pousser la machine sur d'aussi répétitifs efforts s'amenuisaient. Bien que de plus en plus familière, la séance de 40 x 400m ne devenait pas synonyme d'agréable légèreté ! Pourtant, après seulement quelques jours, une habitude à l'effort s'installait. Alors qu'il y a quelques semaines, en préparant le défi de juillet, je me sentais fier d'avoir réussi 25 intervalles de 400m, je me suis retrouvé, cette semaine, à parfois me surprendre avec des pensées telles que "ok, Robin, il n'en reste QUE 25. SEULEMENT ça, presque RIEN, ce n'est plus l'heur de s'économiser". En d'autres mots, j'ai progressivement repoussé, mentalement, durant la semaine, le seuil à partir duquel un entraînement me paraît "costaud". Désormais, en bas de 20 intervalles de 400m (supposant un pace 5-10 km avec 200 de jog de repos), cela ne me paraît plus une grosse séance. Il y a peu, 20 x 400m m'aurait semblé une séance "conséquente", "particulière"... J'en conclus que ce qu'on juge gros ou petit en matière d'entraînement est très relatif à notre habitude et notre expérience vécue. Je ne doute pas qu'après quelques mois, voire seulement quelques semaines, Zatopek ne jugeait plus sa traditionnelle séance quotidienne exigeante. On "n'oublie rien, on s'habitue, c'est tout" chantait Brel avec raison.
Cela dit, je suis d'autant plus heureux d'avoir été accompagné par deux coureurs durant la semaine que ceux-ci ont dû à leur tour repousser leur limite. Le jeudi matin, Éric Pépin, triathlète, coureur et père d'une jeune fille que j'entraîne au sein des Kalenjins, est venu faire un "petit" 30 intervalles avec moi. C'était pour moi un stimulant lors de la mentalement délicate 4e journée et, pour lui, un dépassement de sa limite antérieure d'intervalles. Puis, pour "ceriser" le sunday (donc dimanche dernier !), Maxime Bilodeau est lui aussi venu faire sa trentaine de répétitions. Je remercie ces deux coureurs qui ont allégé l'aventure à deux moments où il aurait été tout particulièrement possible que s'allourdissent davantage les jambes, ou l'esprit...
Enfin, bien que réaliser une telle semaine me paraisse moins ardu que ce que j'anticipais depuis longtemps (d'autant qu'une seule séance de 40 x 400m me semblait débile dans un passé pas si récent) je rends tous mes hommages à Zatopek. Il faut une volonté de fer, sans même parler d'une rare constitution physique, pour encaisser un pareil régime d'entraînement sur une longue période de temps. Je n'aurais sans nul doute pas tenu deux autres semaines avant d'être réellement blessé, surentraîné, ou tout simplement épuisé, et ce, même en m'administrant tous les petits soins possibles. Bien sûr, en évitant de courir à la chaleur de juillet, en éliminant mes activités d'entraîneur, en négligant davantage mon rôle familial, et en faisant ceci ou cela pour maximiser ma récupération, je suppose que j'aurais pu tenir le coup un bon bout de temps encore. Or Zatopek l'a fait durant des années. C'est humain, mais, justemment, dans ce que les êtres humains exceptionnels démontrent de grandiose.
Bien qu'inférieur au légendaire coureur tchèque, j'en ressors néanmoins avec l'orgeuil d'une réussite que je devine peu ou très peu égalée dans l'histoire de la course au Québec. A vrai dire, je ne connais pas de québécois ayant, récemment ou jadis, encaissé de pareille semaine en terme de densité. J'ai tout de même fait, en sept jours, 201 km (oui, je suis allé joggé 5 km le dimanche soir pour dépasser le 200 !). Surtout, là-dessus, il y a eu plus de 116 km en 3:36/km, soit pour moi ma vitesse de 5-10 km (environ 90% de ma VAM). Tout cela dans les chaleurs du mois de juillet, au milieu d'obligations personnelles variées et à travers plus de 15 heures d'implication en coaching et avec, à la maison, deux enfants de moins de 2 ans. Puis, ne l'oublions pas, mais cette semaine a été réalisée non seulement 10 jours après une course nocture de 79 km, mais dans une période où la moyenne de mes semaines d'entraînement avoisine les 150 km. Indépendamment de ces éléments très personnels, je me questionne sur le nombre et le nom de ceux qui ont égalé en genre ma semaine d'entraînement. Pouvez-vous m'instruire là-dessus ? J'aimerais bien savoir qui sont les "hardcore" parmi les "hardcore" de l'histoire de la course dans la province...
Enfin, heureusement que ma blonde, Marianne, a été compréhensive durant la semaine et, plus encore, depuis le début de l'année "dodécathlesque".
Pour ceux qui croient maintenant que je suis mûr pour un répis, détrompez-vous. Dans 1 mois exactement commence le défi du mois d'août. EnduRun International. Celui-là, j'ai hâte. Un peu peur bien sûr, mais surtout hâte. J'ai confiance d'être prêt à temps. J'en donnerais un apperçu dans quelques semaines lors du prochain message sur le blog.
Par ailleurs, il est maintenant possible de sécuritairement faire des dons en ligne à la Fondation Terry Fox pour laquelle j'amasse de l'argent toute l'année et que je remettrai à l'occasion du défi du mois d'octobre. Pour soutenir mon aventure de 2012 en général, particulièrement mon défi d'octobre et, surtout, surtout, surtout, la recherche contre le cancer, il suffit de se rendre sur la page consacrée au Dodécathlon sur le site de la Fondation Terry Fox. Merci.
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