Dodécathlon 20.12

Après 20 ans, maintenant 12 mois, pour 12 défis un peu fous...

dimanche 1 juillet 2012

Solstice d'été


20h46, 0 kilomètre, St-Grégoire: je prends le départ pour une longue sortie de course qui devra me tenir éveillé toute la nuit.  Le défi du mois de juin est lancé.

Durant la journée, j'ai fait deux petites siestes après avoir, comme précédemment durant la semaine, vérifié la météo qui m'indiquait que cette nuit pourrait enfin être LA nuit.  Les précédentes nuits s'annonçaient orageuses, repoussant finalement le départ jusqu'au 21 juin, date cependant exacte du solstice d'été.   Très bien finalement, très symbolique.  Ayant d'ailleurs été dans l'incertitude de la date du départ, je décidai les jours d'avant de continuer l'entraînement régulier comme si je n'avais pas à bientôt courir du coucher au lever du soleil.  C'est ainsi que, la veille, je faisais 26 km en 2h00 en entraînement.  Allait-ce me pénaliser ou entraver la réussite du défi du mois de juin ?  De même, ces ambivalences de jour de départ ont fait se décommander les partenaires potentiels pour des tronçons du défi.  Allait-ce la solitude me décourager ? 

10h56,  22 kilomètres, St-Léonard-d'Aston: je fais un saut au bercail ou, plutôt, exactement, je passe le perron avant par mon domicile pour faire le plein de ravitaillement (Boost Calories +, 1 litre de Coke mélangé à 500ml de Pedialyte, deux barres de céréales, une barre de chocolat).  Étrangement, j'ai anormalement mal au genou alors que je n'ai jusqu'ici fait que 22 km.  C'est là moins que la distance journalière que je fais souvent en entraînement.  Le rythme est cependant bon, facile à maintenir.  Je jogge, en moyenne, à 5:25/km et je fais un 1000m sous 5:00/km (12km/h) à tous les 10 km.  Je me ballade en écoutant la première chaîne de Radio-Canada sur mon lecteur MP3.  J'avance doucement contre le vent de face qui, en cette nuit chaude où il fait 29 degrés, rafraîchit grandement.  Je remplis donc mon sac de coke/pedialyte, prends les vivres nécessaires, dis un unique bonne nuit à ma blonde qui est sortie sur la galerie pour ce furtif passage avant d'aller au lit, et je file à nouveau pour la nuit en laissant la petite famille endormie derrière moi.

Initialement, je prévoyais, de ce point, me rendre à Victoriaville jusqu'au sommet de la montagne (à 67 km du point de départ).  Or, la veille pour des raisons logistiques (comment en revenir à 5h00 du matin si je n'ai personne pour me ramener en auto ?) et météorologique (si, finalement, il se mettait à faire orage, où irais-je perdu entre deux champs dans un rang de campagne ?) je décidai d'emprunter un circuit de 30 km autour de chez moi.  Or, après seulement 2h20, ayant déjà mal au genou droit, j'optai, sécurité oblige, pour rester dans les environs de chez moi, gravitant sur un circuit de 15 km qui m'est familier.  Si tout se déroulait bien, je prévoyais aller finir à 5 km de chez moi, sur le bord de l'eau, sur la rive, près des rapides, de terrains pittoresques que ma blonde et moi avons récemment achetés. 

1h00 am, 42,2 km, St-Léonard-d'Aston: je termine la distance du marathon en un peu moins de 4h10.  Les choses vont relativement bien.  En fait, outre la chaleur qui refuse de tomber (il fait encore 27 degrés et je sue abondamment), tout suit son cours.  En repassant par mon domicile pour faire le plein de victuailles installées sur ma galerie, je m'aspèrge -enfin- la tête à même l'arrosoir du jardin.  Grand bonheur.  Sinon, le genou droit fait mal, mais je tolère, j'encaisse, j'endure.  La moitié de la nuit est faite.  Les batteries du lecteur MP3 ont rendû l'âme il y a quelques temps déjà.  Moi je tiens bon.  Par contre, mes paupillères tombent.  Je suis fatigué.

2h58 am, 60 km, St-Léonard-d'Aston: les choses se sont gâtées.  Premièrement, mon estomac ne tolère pratiquement plus rien.  A tout le moins, la nourriture solide n'entre plus dans mon corps.  Les tentatives d'insertion forcée de barre tendre se sont soldées par un violent crachat de refus.  J'ai l'estomac noué, bloqué, "jammé".  Oui, c'est une sensation presque agréable et propice pour la course !  Cela m'est cependant riche d'apprentissage, car je respecte depuis le début de la nuit la même diète en courant que celle prévue initialement pour le défi Montréal-Québec.  J'apprends à la dure que cette dernière n'est pas au point.  Trop riche ?  Peut-être.  Trop sucrée ?  Peut-être.  Pourtant, il me faut théoriquement absorber 7000 calories durant l'épreuve.  Malheureusement, après 4000 calories, mon système semble saturé.  Je poursuis néanmoins avec l'espoir de ne pas terminer la nuit en hypoglycémie.  Je m'efforce de boire sucré et "électrolyté", mais là encore ça passe mal...  Tout est beurk !  Deuxièmement, mon genou droit fait très mal quoique l'aggravation de la sensation soit sourde et subtile au lieu de virulente et sévère.  Rien à dire de plus là-dessus, sauf que ça commence à être impossible à ignorer à chaque foulée.  Je ne sais pas si cela sera difficile à soigner après le défi, mais je sais déjà qu'il est certain que mon genou n'en sortira pas indemne.  A ce point cependant, il n'est pas question d'arrêter pour ça.  Troisièmement, je viens de traverser un long passage à vide mentalement.  Il me semble que ce soit à celui-ci qu'il faille attribuer ma baisse de régime et ma vitesse moyenne maintenant à un rythme plus lent que 6:00/km.  Et j'ai depuis 10 km cessé de faire mon 1000m en bas de 5:00/km à tous les 10 kms.  Le corps n'a plus le coeur à cela (plus le coeur au sens de "mal au coeur" !).  Par contre, j'anticipe le progressif lever du soleil pour la prochaine heure et, avec lui, le retour de la clarté.  Cela fera sentir la fin de la nuit et l'espoir de réussite, à toute fin pratique évidente à ce stade.  Cela devrait aussi me réveiller et raccourcir l'impression subjective de longueur des secondes.  Il y a peu, les derniers veilleurs, ceux qui ferment les bars, sont allés se coucher (non sans, cependant, avoir lâché de leur terrasse, bière vide à la main, voyant un gars courir à cette heure de la nuit, un "cr... y é dont ben crinqué lui !"). 

4:30 am, 75 km, St-Léonard-d'Aston: dernier passage par la maison -sans bien sûr y entrer comme toujours- l'estomac ne répond plus du tout, le genou parle pour sa part trop fort, la fatigue est totalement contrôlée, la lampe frontale a depuis longtemps cessé d'éclairer suffisamment, mais de toute façon le soleil vient de se lever.  Il fait clair.  Je m'en vais vers la fin du défi.  Je prends la route des terrains du bord de l'eau.  Il me reste 28 minutes à courir avant l'heure officielle de lever du soleil.  Ma question est : arriverai-je à faire 80 km durant la nuit ?

4:58 am, 79.25 km, St-Léonard-d'Aston, bord de la rivière, devant les rapides au matin je suis lent et n'avance plus: Fin du défi.  Sans satisfaction particulière ni émotion forte, sans grande fatigue non plus, avec des douleurs normales aux jambes et anormale au genou droit, je clôture la nuit avec un peu moins de 80 kms parcourus.  En fait, si on tient compte de l'erreur habituelle de la montre GPS en zone couverte, j'ai dû faire un peu plus de 80 km, mais là je vais me contenter officiellement du chiffre de 79.25.  Avec l'entraînement de la veille, ça fait quand même 105 km en deux jours.  Cette nuit, j'aurai maintenu une moyenne de 6:07/km (un peu plus de 10 km/h).  J'aurai couru durant exactement 8h07, signifiant que les arrêts de ravitaillement ne m'auront pris, au final, que 5 minutes (dont presque 4 pour le premier).  Je puis dire que, une fois dans ma vie, j'aurai couru durant toute une nuit. 

J'aurai appris, durant la nuit, que je peux ne pas avoir peur en courant seul dans le noir.  Évidemment, une longue partie a été faite sous les rassurants lampadaires de la municialité, mais je ne crois pas que cela aurait été sérieusement paniquant de courir à la totale noirceur.  Puis, j'ai appris que mon défi Montréal-Québec exigeait des ajustements: d'une part alimentaires et, d'autre part, d'objectif puisque 100km en 10 jours durant 3 jours risque d'être plus ardu que je ne le pensais.  Enfin, encore une fois, j'ai appris à garder la discipline malgré les douleurs ou les moments difficiles.  Ce fut, dois-je l'avouer, une nuit plutôt facile.  Relavitement bien sûr !  Elle l'aurait été encore davantage si le mercure n'avait été aussi élevé.  Jamais n'ai-je pu me sentir pleinement au frais dans les 6 dernières heures.

*** Notez que, le 22 juin, j'aurai ensuite besoin de plusieurs heures pour remettre mon système digestif en place et de deux ou trois jours pour rétablir un cycle veille/sommeil agréable.  Par contre, malgré la douleur au genou, je ferai un 40 km dans les jours suivants, dont un entraînement (une "progression run") de 21 km, avec les Kalenjins, en 1h30 trois jours plus tard.  La semaine suivante, celle qui se termine au moment d'écrire ces lignes, je ferai un total de 105 km incluant deux séances d'intensité. 

Maintenant, j'en suis à prévoir, dès la semaine du 2 au 9 juillet, de faire mon défi suivant, soit celui qui suscite la plus vive réaction chez les connaisseurs, les assidus de la course à pied.  Lundi 2 juillet, je lance mon premier jour de 40x400m avec 200m de jog de récupération (et 5x200m avec 200 de jog comme échauffement et cool-down).  Si tout va bien (entendre: si le genou tient le coup), je ferai cela chaque jour de la semaine.  J'écrirai sur ce blog, en milieu de semaine prochaine, après la 3ième ou 4ième journée, un très court texte pour indiquer la procédure et le déroulement du défi. 

Merci encore de suivre mes folies.    

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